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Et si l'on prenait les Français pour des gens responsables ?
Tribune parue dans les Echos le 17 octobre 2011
Et si l'on prenait les Français pour des gens responsables?
(par Michel Piron, Philippe Gosselin et une soixantaine de députés de la majorité)
L'immense majorité de nos concitoyens le sent ou le sait : la crise dans laquelle se trouve plongé notre pays n'est ni ordinaire ni passagère. Elle est profonde et, bien au-delà des USA, elle déstabilise à des degrés divers l'ensemble des pays développés dont l'Europe, au point même de mettre cette dernière en question.
Elle est durable, tant les déséquilibres, accentués par l'absence de règles communes, ont creusé les déficits et les dettes, publics et privés ; et il nous faudra des années pour rétablir les bases d'un développement soutenable.
Ce à quoi il nous est désormais donné d'assister... ou de participer c'est un véritable changement de monde qui, non seulement, bouleverse les échanges, les rapports économiques et les équilibres géopolitiques, mais remet en cause les acquis et repères auxquels nous avions l'habitude de nous référer. Une crise mondiale réclamerait une politique mondiale ; or la mondialisation économique ne s'accompagne pas, pour l'heure, loin s'en faut, d'une mondialisation politique.
C'est donc dans ce cadre imposé, fragilisé par le retour du populisme et des extrémismes - y compris aux Etats-Unis -, qu'il convient de replacer nos débats nationaux et de nous demander ce que la « politique » elle-même peut encore et à quelles conditions. En premier lieu, il dépend de nous d'accorder la priorité à la réduction de nos dépenses publiques, parmi les plus élevées au monde (56,6 % du PIB en 2010), qui conditionne la résorption de nos déficits et la décrue de notre endettement (proche de 1.700 milliards d'euros). Les marges de manoeuvre existent, mais elles doivent être soigneusement ciblées pour être socialement justes et économiquement efficaces. A cet égard, l'idée d'un coup de rabot général sur l'ensemble de nos dépenses ne nous paraît ni bonne ni suffisante. Ni bonne, parce que toutes les dépenses n'ont évidemment pas la même utilité ; ni suffisante parce que cela ne résout pas le plus important, peut-être, de nos problèmes : celui de l'organisation même de l'action publique dans notre pays avec la réforme inachevée de l'Etat et des collectivités territoriales, celle des grands services publics et la redéfinition de ce qui relève du champ public et de ce qui revient au secteur privé. Les réformes structurelles restent, certes, les plus difficiles mais elles demeurent pourtant les plus efficaces à moyen-long terme et les plus porteuses d'économies.
En second lieu, il dépend encore de nous de répondre à la question : la réduction des dépenses peut-elle suffire à équilibrer nos comptes ?
Avec la plupart des économistes, nous disons clairement : « Non. » Sauf à envisager des coupes telles qu'elles provoqueraient un effondrement de la consommation et une très probable récession (qui touche déjà les Etats les plus faibles), nous devrons également augmenter nos recettes, comme l'ont fait nos voisins européens. Or, là encore, l'effort supplémentaire, qu'il va falloir demander à notre pays doit être mesuré à ses capacités réelles. Notre taux moyen d'épargne étant l'un des plus élevés des pays développés, une augmentation des prélèvements sur les revenus financiers pourrait toucher les revenus les plus élevés (80 % de l'épargne total des ménages provient des 20 % les plus aisés) sans nuire à la croissance, et rapprocher l'impôt sur les revenus du capital de celui sur les revenus du travail. C'est d'ailleurs pour cette même raison que nous souhaitons créer une tranche supplémentaire d'impôt sur les revenus supérieurs à 150.000 euros par part (qui sont majoritairement des revenus patrimoniaux).
De telles contributions sont-elles insupportables pour ceux à qui elles seraient demandées ? Au-delà de la prise de position récente de quelques grands patrons - qui nous semble déjà significative -, l'effort général auquel nos concitoyens vont être appelés dans les années à venir est inéluctable.
Encore faudra-t-il, pour être accepté, qu'il soit plus justement partagé. Ce n'est pas seulement un enjeu économique ; c'est un enjeu de société. Dès lors, et puisque les Français le savent, osons leur proposer, comme à un peuple responsable, une perspective commune pour redresser notre pays.