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Interview dans le JDD : ''La manifestation de dimanche peut faire évoluer les débats''


"La manifestation de dimanche peut faire évoluer les débats"

INTERVIEW – A une semaine de la manifestation contre le mariage pour tous, Philippe Gosselin, député UMP de la Manche, se prononce, comme Laurent Wauquiez, pour un référendum sur le sujet. "Ce sujet doit dépasser le cadre du Parlement, toute la société doit s'en emparer", explique-t-il au JDD.fr.


Pourquoi proposez-vous au gouvernement un référendum sur le mariage pour tous?

Nous avions déjà demandé l'organisation d'états généraux ou la création d'une commission spéciale à l'Assemblée nationale. Cela nous a été refusé. Il ne reste plus que la solution de référendum, réactivée dimanche soir par Laurent Wauquiez avec sa proposition de motion référendaire. Ce sujet doit dépasser le cadre du Parlement. Toute la société doit s'en emparer.
 

Le débat ne peut-il plus se faire au sein des hémicycles parlementaires?

Le Parlement prime évidement, car c'est le lieu privilégié du vote de la Loi. Mais les enjeux du mariage pour tous dépassent le cadre habituel du législateur. Erwann Binet, le rapporteur socialiste du projet de loi à l'Assemblée nationale, l'a reconnu : on est sur "un changement de paradigme". De son côté, la Garde des Sceaux Christiane Taubira a parlé d'un "changement de civilisation".

«Peillon ne va réussir qu'une seule chose : mobiliser davantage pour dimanche.»

 

Depuis quelques semaines, l'UMP et le PS s'opposent vivement sur le mariage pour tous. Pourtant, les sujets de société dépassent le clivage droite-gauche. Y a-t-il un risque d'instrumentalisation politique?
Le débat est en train de se raidir officiellement. UMP et PS rameutent leurs troupes chacun de leur côté pour critiquer ou défendre le projet du gouvernement. Mais, sur le terrain, il n'y a pas de clivage. Il n'y a pas que des élus ou sympathisants UMP qui s'opposent au projet. Au contraire, certains membres de notre parti sont pour. Il ne faut pas tomber dans la caricature.

 

Que pensez-vous de la réaction de Vincent Peillon, le ministre de l'Education nationale, à la lettre d'Eric de Labarre, secrétaire général de l'enseignement catholique ?

Avant tout, la lettre d'Eric de Labarre était maladroite, au vu du contexte. Mais il n'appelait pas à organiser dans chaque classe un débat sur le mariage pour tous. L'intervention de Vincent Peillon est totalement disproportionnée. C'est un peu deux poids, deux mesures. D'un côté, le ministre de l'Education ne dit rien à Najat Vallaud-Belkacem, porte-parole du gouvernement, qui a promu en octobre dernier le mariage pour tous, certes dans le cadre d'un débat contre l'homophobie. De l'autre côté, on qualifie d'"homophobe" une proposition de débat au sein des établissements scolaires privés. Vincent Peillon ne va réussir qu'une seule chose : mobiliser davantage pour dimanche prochain, date de la grande manifestation contre le projet de loi.

 

L'école doit-elle être "neutre", comme l'a rappelé Vincent Peillon lundi matin sur RTL? 

Nous sommes dans un Etat laïc qui revendique la neutralité. Mais l'Education au sens large, c'est aussi l'éveil des consciences à des questions de société. Cela ne me choque pas que, dans l'enseignement public ou privé, on puisse discuter de certains sujets. Aujourd'hui, les élèves de collège et lycée débattent bien du racisme - et c'est une bonne chose. Je ne vois donc pas pourquoi le mariage homosexuel serait un sujet tabou.

 

«La PMA, une dérive de société.»

 

Notre société est-elle, selon vous, prête à accepter le mariage homosexuel?

Je ne sais pas s'il est trop tôt ou trop tard. Mais le projet de loi du gouvernement n'est pas la bonne réponse à des interrogations légitimes. Le mariage est un contrat qui certes reconnaît l'amour, mais reste aussi une institution. En revanche, se poser la question de son conjoint en cas de décès ou de séparation est tout à fait légitime. Un autre type de contrat, l'union civile par exemple, aurait parfaitement pu répondre à ces demandes.
 

Et l'adoption? 

Sur la filiation, je suis en opposition très ferme. Et notamment sur la procréation médicalement assistée (PMA). Cette dernière ne peut qu'entraîner la légalisation des mères porteuses. Ce serait une dérive de société, car on opposerait le "droit de l'enfant" au "droit à l'enfant". Par ailleurs, l'idée de mère porteuse renvoie à une forme de marchandisation du corps humain.
 

La PMA n'est toutefois qu'un amendement des députés socialistes qui pourrait être retiré
La ficelle est un peu grosse. On voit bien qu'il y a une répartition des rôles entre gouvernement et majorité. Le premier joue la sagesse : "Nous ne voulons que le mariage et l'adoption, mais ce sont les députés socialistes qui veulent imposer la PMA." Dans une semaine, l'exécutif va retirer l'amendement PMA pour montrer qu'il sait lâcher du lest. Mais, tout d'abord, il restera un amendement que comptent déposer les écologistes à l'Assemblée nationale. Et de toute façon, la PMA sera sans doute intégrée à un texte présenté sur la famille au mois de mars. Ça part par la fenêtre, ça rentre par la porte.

 

Allez-vous défiler dimanche?

Je défilerai, avec mon écharpe de député.

 

«La classe politique est prête à créer un contrat de type union civile.»

 

Cette manifestation peut-elle faire bouger l'exécutif? 

Tout est possible, même si je ne m'attends pas à  un retrait de ce projet. Ce serait une reculade incroyable. Mais cela peut faire évoluer les débats. Le 17 novembre dernier, les opposants au mariage homosexuel se sont réunis dans la rue. On peut contester les chiffres, mais on peut considérer qu'il y avait entre 150 et 200.000 personnes ce jour-là. Résultat : François Hollande, quelques jours plus tard au congrès des maires, a évoqué la liberté de conscience des élus, même s'il a été repris en main très rapidement par les associations.

 

Les associations homosexuelles ont-elles eu, selon vous, trop de poids dans la conception du projet de loi?

Je ne parlerai pas, par précaution, de lobby. Mais je constate que des petits groupes ont su bien s'organiser pour faire remonter leurs revendications. Ceci dit, nous ne sommes plus en 1998-1999, au moment de l'affaire du Pacs. La question homosexuelle ne se pose plus aujourd'hui. Les opposants au mariage homosexuel ne brandissent pas la Bible en rejetant les relations entre deux hommes ou deux femmes. C'est plus compliqué que ça. Certes, cela créé des crispations sociales, mais on ne débat pas sur la question de la sexualité. La classe politique est prête, et sans traîner les pieds, à créer un contrat de type union civile. Mais une grande partie refuse de toucher à l'institution du mariage.

 

  

Gaël Vaillant - leJDD.fr

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