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Intervention lors de l'examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale
Assemblée nationale
XIVe législature
Session ordinaire de 2013-2014
Compte rendu intégral
Deuxième séance du jeudi 24 octobre 2013
Présidence de Mme Sandrine Mazetier, vice-présidente
Mme la présidente. La séance est ouverte.
(La séance est ouverte à quinze heures.)
Projet de loi de financement de la Sécurité sociale pour 2014
Mme la présidente. L’ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi de financement de la Sécurité sociale pour 2014 (nos 1412, 1470, 1462).
Troisième partie (suite)
Après l’article 15 (suite)
M. Philippe Gosselin. Ici, point de Nutella, de vélo ou d’aspartame, mais une tentative de recherche de consensus, puisque tel était le souhait du ministre ce matin. Cela a été dit à l’ouverture de nos travaux à neuf heures et demie, lors de l’examen de l’amendement de notre collègue Germain : nous avons besoin de revoir en profondeur notre système de financement de la protection sociale. Il faut sortir du cadre actuel, et c’est à une révolution systémique que je vous appelle évidemment, pas à une surtaxation de telle ou telle boisson, ni à des colmatages de brèche plus ou moins réussis, en l’occurrence plutôt moins.
Nos comptes sociaux, vous le savez, accusent des déficits importants. De nouveaux défis sont apparus : le vieillissement de la population, la hausse du coût de soins toujours plus perfectionnés ; l’ouverture de nouveaux chantiers, tel celui de la dépendance. Or, au fur et à mesure que croissent les besoins, la part des salaires, principale assiette, dans le PIB se réduit. Depuis dix ans, elle a diminué de 9,3 points, ce qui est important. Cette situation ne me paraît pas tenable. Comment donc financer le social, les retraites et les différentes branches de la Sécurité sociale en se fondant sur une assiette qui se réduit ? N’espérons pas non plus le retour aux Trente Glorieuses, quelque peu mythiques, car cette perspective s’éloigne chaque jour davantage.
La solution, pour équilibrer les comptes sociaux, ne se réduit pas à une augmentation de prélèvements en tous genres, à ce qui est parfois un inventaire à la Prévert. Cela risque de fragiliser non seulement la consommation mais aussi l’emploi et l’investissement, moteurs de la croissance. Je le disais : il faut changer de braquet, il faut carrément changer de système.
L’amendement, qui repose sur les travaux de Jacques Pichelot, notamment l’un de ses ouvrages parus il y a quelques années, vise à l’instauration d’un plancher minimum de charges sociales, qui viendrait compléter l’assiette des salaires sans pénaliser ni le pouvoir d’achat ni l’emploi. Ce PMCS s’appliquerait sur le prix de vente de tout produit ou service, avant TVA. Si le poids des charges sociales dans ce prix était inférieur au plancher minimum de charges sociales, alors une contribution serait prélevée afin d’atteindre le seuil fixé.
Le PMCS s’appliquerait à tous les produits consommés en France, ce qui permettrait de viser aussi les produits importés au financement de la protection sociale, et l’ensemble de l’économie œuvrerait au financement de notre modèle social.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Gérard Bapt, rapporteur. Cet amendement est passé par la procédure de l’article 88 du règlement. Il n’a donc pas été véritablement discuté. D’après ce que j’en comprends, ses auteurs se sont inspirés de l’ouvrage d’un économiste. Nous n’en avons pas vraiment débattu, mais ce que je note, c’est que nous aurions, après la progressivité de la CSG et la TVA sociale, une troisième voie, celle du PMCS.
Je vous propose, mon cher collègue, de retirer votre amendement, pour que nous l’examinions, avec l’amendement de M. Germain, dans le cadre de ce grand débat que nous aurons à la suite des conclusions du Haut Conseil pour le financement de la protection sociale. Si vous ne le retiriez pas, je proposerais bien entendu son rejet.
M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. L’avis du Gouvernement est défavorable, car cet amendement aboutirait à un alourdissement des charges qui pèsent sur les entreprises, notamment celles qui investissent. Or, comme vous le savez, le Gouvernement propose un allégement net de charges, d’un montant de 10 milliards d’euros avec le CICE, destiné à accompagner les entreprises qui embauchent, les entreprises soumises à la concurrence internationale. En outre, avec le dispositif nouveau sur les jeunes entreprises innovantes et les plus-values mobilières, et le nouveau régime applicable à l’amortissement des dispositions fiscales, nous proposons des mesures destinées à accompagner la robotisation et l’innovation technologique. Inversement, l’amendement défendu par M. Gosselin pénaliserait énormément, par un alourdissement des charges, les entreprises qui investissent dans la robotisation.
Parce que nous ne sommes pas favorables, dans le contexte actuel, à un alourdissement des charges qui pèsent sur les entreprises, parce que nous souhaitons accompagner l’investissement dans l’innovation, et ce dans un pays dont l’appareil productif industriel compte beaucoup moins de robots innovants que celui de l’Allemagne, nous ne pouvons pas souscrire à cet amendement, et émettons un avis défavorable.
M. Jean-Pierre Door. J’ai écouté M. Bapt, et je suis effectivement d’accord avec lui dès lors que sont évoqués les moyens de trouver de nouvelles sources de financement de la protection sociale. Étant donné que le Haut Conseil du financement de la protection sociale travaille, on pourra, dans le débat qui suivra, examiner ce genre d’amendement, d’autant plus que l’idée, monsieur le ministre, ne manque pas d’intelligence. Lisons l’exposé sommaire : il relève que plus de 40 % des produits sont fabriqués par des machines, des outils, et non plus le fruit du travail de l’homme. Peut-être cela vous rappelle-t-il certain film de Chaplin, où il visse des boulons avec ses outils et où l’on voit que les machines remplacent l’homme. Si l’on peut trouver des solutions, cela mérite d’être débattu.
Mme la présidente. La parole est à M. Philippe Gosselin.M. Philippe Gosselin. Je répondrai en quelques mots à M. Cazeneuve.
Il ne s’agit pas d’un alourdissement de la fiscalité, puisque nous nous situons dans une réforme du système, réforme qui interviendrait à la place d’un certain nombre de colmatages. Cette remise à plat complète aurait pour effet, comme le soulignait Jean-Pierre Door, que les contributions sociales ne seraient pas essentiellement assises sur les salaires : contribueraient aussi un certain nombre de biens dont les prix n’ont cessé de baisser ces dernières années. Il y a vingt ans, un ordinateur représentait trois mois de salaire ; aujourd’hui, il représente vingt jours de salaire. De même, un écran plat qui coûtait quatre mois et demi de salaire coûte maintenant moins de cinquante heures.
Ces équipements sont fortement robotisés, ce qui est très bien, d’ailleurs, je partage votre souhait d’un plus grand alignement sur l’Allemagne, et leur coût a fortement diminué. Ils pourraient donc contribuer, sans dommage pour la consommation et le pouvoir d’achat, à ce financement de la Sécurité sociale. C’est donc une réforme de système.
J’entends bien ce qu’a dit le rapporteur. Le Haut Conseil du financement de la protection sociale travaille, et la MECSS participe également aux travaux sur la branche famille. Versons donc, si vous le voulez bien, ce plancher minimum des charges sociales dans le débat, qu’il puisse être étudié par le Haut Conseil comme une piste possible. Je ne prétends pas, évidemment, détenir la vérité ; nul ne pense la détenir, à ce stade, sur un tel sujet. Sinon, nous aurions trouvé depuis belle lurette la pierre philosophale.
Je maintiens tout de même mon amendement, à titre de produit d’appel, si je puis m’exprimer ainsi, et pour bien acter l’engagement qui pourrait être pris de l’intégrer aux travaux du Haut Conseil du financement de la protection sociale.
(L’amendement n° 567 n’est pas adopté.)