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famille - politique familiale - perspectives

Question n°1602 (XIV)
Ministère interrogé : Famille

Publié au JO le 05/02/2014

RÉFORMES DE SOCIÉTÉ


M. le président. La parole est à M. Philippe Gosselin, pour le groupe de l'Union pour un mouvement populaire.

M. Philippe Gosselin. Ma question s'adresse à M. le Premier ministre.

La manifestation de dimanche dernier a rassemblé, dans le calme et la sérénité (Exclamations sur les bancs du groupe SRC)?

M. le président. Allons, chers collègues !

M. Philippe Gosselin. ?des centaines de milliers de personnes, dont je faisais partie.

Pas des « excités », ni des « cathos rabougris », comme le disent certains, ni des « ultras » ! Des gens ordinaires ! Une manifestation pacifique, n'en déplaise à ceux qui espéraient un bazar sans nom ! Une force tranquille, comme on disait au XXe siècle ! (Sourires.)

M. Julien Aubert. Excellent !

M. Philippe Gosselin. Au fond, c'eût été si arrangeant de pouvoir dénoncer des casseurs, des racistes, et d'annoncer un nombre impressionnant de gardes à vue. Mais il n'y a rien eu de tout cela ! Dommage pour les coups de menton de M. Valls !

M. Olivier Marleix. Eh oui !

M. Philippe Gosselin. En revanche, la sérénité n'est pas de mise au sein du Gouvernement. Quelle fébrilité, quelle cacophonie ! Tout d'abord, M. Valls ? vous savez, le nouveau ministre de la famille ? annonce qu'il n'y aura pas de disposition sur la PMA et que le Gouvernement refusera tout amendement en ce sens. Mme Bertinotti n'était même pas au courant, et l'hommage que vous lui avez rendu il y a quelques instants, monsieur le Premier ministre, est bien tardif.

Puis, Bruno Le Roux prend la parole et dit qu'il n'est pas question que le groupe SRC se laisse faire. Il est contredit par le Premier ministre en personne, puis c'est le président du groupe écologiste qui s'emballe, vite rejoint par Mme Annick Lepetit ! C'est difficile à suivre !

Finalement, au terme d'une folle journée ? qui n'est pas nantaise, celle-là (Sourires) ?, l'annonce, inattendue, incroyable, tombe : le Gouvernement renonce à présenter son projet de loi. Nous y croyons à peine. Il était temps d'ouvrir les yeux !

Exit, donc, le projet qui fâche. Reviendra ? Reviendra pas ? On ne sait. On évoque même, depuis ce matin, la possibilité que le groupe SRC le reprenne à son compte. Une vente à la découpe ? Une rébellion ? Je ne sais ! (Applaudissements et rires sur les bancs du groupe UMP.)

Monsieur le Premier ministre, allez-vous remettre de l'ordre dans votre majorité, si tant est que vous en soyez encore le chef ? Allez-vous cesser ? il y a encore d'autres sujets de fâcherie : le genre, en particulier (Exclamations sur les bancs du groupe SRC) ? de vouloir déstructurer la société pour, enfin, vous concentrer sur ce qui reste la principale attente des Françaises et des Français, c'est-à-dire la lutte contre la crise et contre le chômage ? (« Bravo ! » et applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée chargée de la famille.

Mme Dominique Bertinotti, ministre déléguée chargée de la famille. Monsieur le député, je vais citer Hervé Mariton, qui se plaignait, il y a quelques jours, du « silence assourdissant » de l'UMP sur les questions de société et qui appelait de ses v?ux ce parti à définir enfin des prises de position sur ces sujets. Heureusement pour vous, vous avez la « Manif pour tous » !

Le divorce n'est ni de droite ni de gauche. Les familles recomposées ne sont ni de droite ni de gauche. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. Yves Fromion. Mais la famille décomposée, c'est vous !

Mme Dominique Bertinotti, ministre déléguée. Lorsqu'ils choisissent le concubinage, le PACS ou le mariage, les couples font un choix qui n'est ni de droite ni de gauche.

Plusieurs députés du groupe UMP . Ce n'est pas la question !

Mme Dominique Bertinotti, ministre déléguée. Si, c'est la question, et je vais vous dire pourquoi. Nous avons l'obligation, aujourd'hui, ne serait-ce que pour la défense de l'intérêt des enfants, de définir de nouveaux repères qui correspondent aux nouveaux modèles familiaux, que nos propres concitoyens ont décidés seuls, indépendamment des partis, des dogmatismes et des idéologies. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC et sur plusieurs bancs des groupes écologiste, RRDP et GDR.)

Quoi de plus rassurant pour l'enfant que de connaître les droits et les devoirs de chacun des adultes qui concourent à son éducation ? Quoi de plus légitime, pour des enfants qui ont été enlevés de leur famille, que de ne pas avoir un parcours erratique, de foyer d'accueil en famille d'accueil, mais, au contraire, une véritable seconde chance familiale ? (Mêmes mouvements.) Quoi de plus rassurant pour les enfants que d'avoir une véritable médiation familiale qui permette effectivement d'épargner à ces enfants des conflits de loyauté ? (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et écologiste.)



travail - droit du travail - concurrence. contrôles. politiques communautaires

Question n°538 (XIV)
Ministère interrogé : Travail, emploi, formation professionnelle et dialogue social

Texte de la question

M. Philippe Gosselin interroge M. le ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social sur deux phénomènes qui pénalisent lourdement les entreprises françaises. D'une part, des entreprises bafouant les réglementations sociales et fiscales et le droit du travail, proposent, sur notre territoire, en toute illégalité, des prestations à des tarifs très bas. Cette concurrence déloyale affecte particulièrement le secteur du bâtiment. Des dispositions existent pour lutter contre ces fraudes mais ne s'appliquent guère en l'absence de contrôles systématiques de l'inspection du travail et de l'URSSAF, en particulier le week-end. D'autre part, le coût élevé de la main-d'oeuvre en France nous place d'emblée en situation défavorable face à nos concurrents européens et aboutit à un recul de la production nationale, qui pénalise la croissance et l'emploi. Cette situation est renforcée par le recours abusif de certains États européens à des salariés « détachés », originaires de pays à très bas niveau de salaire et de protection sociale, qu'ils rémunèrent peu et sans acquitter de charges sociales. Les producteurs de légumes français, et le secteur agricole de manière générale, perdent ainsi des parts de marché car ils ne peuvent, dans ces conditions, rivaliser avec leurs concurrents européens, allemands notamment. Au regard de ces phénomènes qui affaiblissent notre pays, il lui demande ce qu'il entend faire, au niveau national, pour garantir que la loi soit respectée par toutes les entreprises intervenant sur le territoire français et pour rétablir la compétitivité de la France en réduisant le coût du travail et en luttant contre le dumping social pratiqué au sein de l'Union européenne.

Texte de la réponse (publié au JO le 12/02/2014)

LUTTE CONTRE LES DISTORSIONS DE CONCURRENCE DANS LE DOMAINE SOCIAL AU SEIN DE L?UNION EUROPÉENNE.


Mme la présidente. La parole est à M. Philippe Gosselin, pour exposer sa question, n° 538, relative à la lutte contre les distorsions de concurrence dans le domaine social au sein de l?Union européenne.

M. Philippe Gosselin. Je veux, en introduction, m'associer aux propos de notre collègue Philippe Armand Martin, qui vous interrogeait, monsieur le ministre, sur l'arrêté nitrates de 2011, et son application en Champagne-Ardenne. Je peux vous le dire : les agriculteurs de la Manche partagent les mêmes craintes, et cet arrêté leur pose bien des problèmes.

Pour ma part, je souhaite appeler l'attention de M. le ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social sur deux phénomènes qui pénalisent lourdement notre économie, et dont plusieurs entreprises de ma circonscription de la Manche, qui m'ont alerté, souffrent. Il s'agit du travail illégal et du coût élevé de la main d'?uvre.

En ce qui concerne le travail illégal, notamment du travail illégal lié au détachement, l'année 2013 fut, vous le savez, celle d'un record, celui des redressements de l'URSSAF pour travail dissimulé : ils ont atteint un montant de plus de 290 millions d'euros. Transports, BTP, restauration sont les secteurs les plus concernés.

La fédération du bâtiment de la Manche a notamment appelé mon attention sur le fait que, lors des contrôles réalisés en 2013, l'URSSAF a pu constater que la pratique du détachement était de plus en plus courante sur les chantiers de notre département. Elle concernerait entre un chantier sur deux et un chantier sur trois ; c'est énorme. Elle intervient, dans la majorité des cas, dans des conditions illégales. On peut se poser la question, dès lors, de savoir comment nos artisans, comment nos entreprises vont pouvoir lutter.

Par ailleurs, au-delà du travail illégal, qui pénalise notre économie, le coût élevé de la main-d'?uvre en France nous place d'emblée en position plutôt, voire très, défavorable, face à nos partenaires européens. La France, vous le savez, est en tête de liste du classement européen en ce qui concerne le taux de charges sociales, puisqu'il s'établit à 51,7 %. Le détachement européen, j'y reviens, souvent un faux détachement, pratiqué notamment en Allemagne à des niveaux de salaire très bas, accroît évidemment ce handicap.

La FDSEA de la Manche et les Jeunes agriculteurs de la Manche m'ont, quant à eux, alerté sur la production de légumes. Monsieur le ministre, vous étiez chez nous le 24 janvier dernier et vous le savez : nous avons beaucoup de maraîchers dans la Manche, et une production légumière très importante. La FDSEA et les JA m'ont alerté sur les conditions d'emploi de la main d'?uvre saisonnière dans les différents pays européens. En France, le coût horaire total moyen d'un travailleur saisonnier s'établit à 10,33 euros, contre 6 euros en Allemagne et 7,80 euros en Espagne. Les durées légales du travail étant très différentes, les heures supplémentaires sont aussi, évidemment, comptabilisées de façon différente. Au final, le coût de l'emploi saisonnier agricole est donc, au minimum, de 1,5 fois plus cher en France qu'en Allemagne. Dans ces conditions, on peut évidemment se poser la question : comment nos agriculteurs, comment la Manche, comment la France peuvent-ils lutter ?

Les surfaces cultivées en légumes, à l'exception des légumes secs, ont ainsi diminué de 15 % en France en dix ans, alors qu'elles ont progressé de 21 % en Allemagne. C'est énorme. Cet exemple illustre à quel point le coût élevé du travail affaiblit la compétitivité de nos entreprises, donc l'emploi, donc la richesse nationale.

Pourtant, en dépit de ce constat, le Gouvernement a encore alourdi le coût du travail pour nos entreprises. Il a notamment supprimé la défiscalisation des heures supplémentaires, et instauré une double augmentation des cotisations sociales, dans le cadre de la réforme des retraites et du forfait social sur l'épargne salariale.

Dans ces conditions, pouvez-vous nous dire, monsieur le ministre, ce que le Gouvernement envisage de mettre en place pour lutter contre le travail illégal en lien avec le détachement, pour lutter contre le dumping social pratiqué au sein de l?Union européenne au détriment de la France ? Et sur le plan national, est-ce au moins au programme du pacte de responsabilité dont on attend avec impatience les premiers éléments ?

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt.

M. Stéphane Le Foll, ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt. Monsieur le député, il est vrai que je me suis rendu dans la Manche il y a peu de temps, alors que vous étiez en voyage aux États-Unis. J'ai beaucoup regretté votre absence.

M. Philippe Gosselin. J'étais parti avec le président du conseil régional de Basse-Normandie, dans le cadre du soixante-dixième anniversaire du débarquement en Normandie !

M. Stéphane Le Foll, ministre . Ne vous inquiétez pas, vos assistants m'ont expliqué la raison de votre absence. Tout s'est bien passé : il y a des choses très intéressantes qui se passent dans la Manche.

On m'a préparé une réponse, mais je vous répondrai directement en analysant les deux principaux enjeux soulevés par votre question. Le premier enjeu est celui de la concurrence entre les différents pays européens. La directive détachement peut avoir un effet extrêmement destructeur, surtout dans les pays où il n'y a pas de salaire minimum. En effet, les règles prévoient que les travailleurs détachés sont rémunérés selon les conditions applicables dans le pays d'accueil ; or dans certains pays, il n'y a pas de salaire minimum ? c'était le cas de l'Allemagne il y a encore peu de temps. On y pratiquait des salaires horaires de 3,50 euros dans nombre de secteurs, dont l'agroalimentaire, alors que les industries françaises étaient tenues de respecter le SMIC horaire, qui est de près de 10 euros. Grâce à la nouvelle coalition arrivée récemment au pouvoir en Allemagne, il y aura un SMIC de 8,50 euros par heure dans ce pays. C'est une première étape majeure : indépendamment de la question de la directive sur le détachement des travailleurs, l'écart entre le salaire minimum applicable notamment aux travailleurs saisonniers ? qui sont très utilisés ? en France et en Allemagne est grandement réduit. Cette première étape est très importante dans le débat à l'échelle européenne.

Le deuxième enjeu est celui des règles d'application de la directive sur le détachement des travailleurs elle-même. Contrairement à l'esprit dans lequel elle a été négociée et adoptée en 1996, cette directive a fini par être utilisée de manière régulière, systématique. Au Conseil européen, à la fin de l'année dernière, cette question a été remise sur la table, et il a été convenu de rendre plus strictes les conditions d'application de la directive afin d'éviter les dérives. C'est la position qu'a défendue Michel Sapin lors du Conseil de l?Union européenne sur l'emploi, position à laquelle l'Allemagne a d'ailleurs fini par se rallier. Il s'agissait de renforcer les règles sur deux points. D'abord, laisser ouverte la liste des documents exigibles auprès des entreprises en cas de contrôle : c'est très important. Ensuite, responsabiliser les entreprises donneuses d'ordre dans le secteur du bâtiment et des travaux publics, et dans les autres secteurs qui ont recours aux travailleurs détachés. Sur ces deux points, les règles d'application de la directive relative au détachement des travailleurs ont été durcies.

Il faut désormais tirer les conclusions de cette évolution et transposer ces nouvelles règles dans la législation française. Pour cela, une proposition de loi a été déposée à l'Assemblée nationale, où elle sera bientôt examinée. Cette proposition de loi, qui sera présentée par Gilles Savary, aura pour objet de décliner en droit français ce qui a été décidé à l'échelle européenne, afin que chacun prenne ses responsabilités dans le recours à la directive relative au détachement des travailleurs. Comme vous le savez, en France aussi les travailleurs détachés ont été utilisés de manière très importante ? plus dans les travaux publics que dans l'agriculture, d'ailleurs. Nous devons donc être plus stricts quant à l'utilisation de cette procédure.

Voilà les deux points que je voulais d'abord évoquer. Pour répondre à votre question sur les charges sociales, je rappellerai, au-delà de ce que vous avez dit sur la défiscalisation des heures supplémentaires, qu'en matière agricole, nous avons décidé de maintenir les fameuses exonérations de cotisations sur le travail saisonnier. C'est très important ; il faut continuer dans ce sens. Je rappelle également que, dans le cadre des débats sur le pacte de responsabilité, il est question de baisser les cotisations sociales familiales pour tous les secteurs : l'agriculture sera donc aussi concernée. Enfin, dès cette année, le crédit d'impôt compétitivité emploi sera évalué ; cela concerne donc toutes les exploitations agricoles qui embauchent des salariés et bénéficient de ce dispositif. Sur tous ces points, nous devons aller dans le sens d'une réduction des écarts entre pays en matière de cotisations pesant sur le travail, afin de rendre nos entreprises plus compétitives. Dans le même temps, nous devons aussi mieux nous organiser et mieux structurer nos filières : c'est tout le sens des débats que nous avons eu dans le cadre de l'examen du projet de loi d'avenir pour l'agriculture, l'alimentation et la forêt.

Monsieur le député, j'espère, avec tous ces éléments, avoir à peu près répondu à l'ensemble des questions que vous avez posées.

Mme la présidente. La parole est à M. Philippe Gosselin, pour quelques instants seulement.

M. Philippe Gosselin. Je vous remercie, monsieur le ministre, pour votre réponse qui a été à la fois très courtoise, cordiale, et fouillée. J'ajouterai juste un mot : un employeur respectant les règles relatives au détachement des travailleurs, et utilisant légalement cette procédure, reste moins cher qu'un employeur français dans bien des cas. C'est là toute la difficulté. En effet, le salaire déclaré dans le pays d'origine reste largement inférieur au SMIC, et les cotisations appelées sur cette base sont donc bien moindres, ce qui diminue beaucoup le coût du travail. Cette difficulté subsiste ; j'espère que la proposition de loi dont vous parliez, ainsi que d'autres éléments, permettront d'avancer encore, car il y a beaucoup à faire.