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délits - faits d'aliénation parentale. répression

Question n°26327 (XIV)
Ministère interrogé : Justice

Texte de la question

M. Philippe Gosselin appelle l'attention de Mme la garde des sceaux, ministre de la justice, sur le syndrome d'aliénation parentale. Il s'agit d'un processus d'emprise et de manipulation amenant l'enfant à rompre tout lien affectif avec l'un de ses parents ainsi qu'avec tout l'environnement familial. L'enfant est alors utilisé par l'un de ses parents, comme une arme pour détruire l'autre parent. Rencontrées dans les cas les plus graves de divorces ou de séparations conflictuelles, les situations d'aliénation parentale semblent se multiplier proportionnellement au nombre croissant de séparations et de recompositions des familles. Les conséquences de cas d'aliénation parentale rejaillissent souvent sur la famille entière : enfants, parents, mais aussi grands-parents, oncles, tantes, cousins. Certains tribunaux, dans leurs décisions, commencent à faire référence au syndrome d'aliénation parentale. Pour autant, sur le plan juridique en France, ce phénomène ne bénéficie d'aucune reconnaissance législative permettant sa prévention et son traitement. Certains pays comme le Canada et le Brésil se sont engagés dans cette voie. Aussi, il la remercie de bien vouloir lui indiquer si le Gouvernement pourrait envisager d'instituer l'aliénation parentale comme un délit de maltraitance psychologique fait aux enfants et aux parents rejetés tel que cela se passe désormais pour les violences psychologiques dans le cadre du harcèlement moral au travail et celles faites aux femmes au sein du couple.


Texte de la réponse (publié au JO le 13/08/2013)

Si le syndrome d'aliénation parentale, dont la reconnaissance ne fait pas l'unanimité au sein de la communauté scientifique et médicale, n'est pas formellement nommé dans notre arsenal juridique, il n'en demeure pas moins que le juge ne méconnait pas la maltraitance psychologique de la part de l'un des parents, et notamment le comportement du parent qui cherche à éloigner progressivement l'autre parent et sa famille de la vie de l'enfant. L'article 373-2-11 du code civil prévoit en effet que l'aptitude de chacun des parents à respecter les droits de l'autre constitue l'un des critères sur lesquels se fonde le juge aux affaires familiales pour prendre les décisions relatives à l'exercice de l'autorité parentale. Ainsi, le parent dont les droits ne sont pas respectés peut saisir le juge qui appréciera l'opportunité de modifier la décision précédente, en fonction de l'intérêt de l'enfant. Si le juge estime préférable que l'enfant ne soit pas seul en présence de l'un de ses parents, en raison d'un comportement particulièrement dépréciateur et dévalorisant de ce dernier, il peut organiser les droits de visite en présence d'un tiers. Enfin, lorsque le comportement du parent met en danger la santé mentale de l'enfant, le juge aux affaires familiales peut transmettre les éléments du dossier au ministère public aux fins de saisine du juge des enfants, lequel appréciera l'opportunité d'ordonner une mesure d'assistance éducative. Sur le plan pénal, le non- respect par le parent chez lequel l'enfant réside des droits de visite et d'hébergement de l'autre parent est réprimé par l'article 227-5 du code pénal d'une peine d'un an d'emprisonnement. La jurisprudence a précisé dans de nombreuses décisions que la résistance de l'enfant, ou son aversion à l'égard de la personne titulaire d'un droit de visite, ne saurait constituer pour celui qui a l'obligation de le représenter ni une excuse légale ni un fait justificatif (Crim, 12 mai 1954, Crim 4 octobre 1995). Le nombre de condamnations du chef de non-représentation d'enfants est stable et se situe entre 1100 et 1300 par an depuis 5 ans. La jurisprudence des tribunaux correctionnels vise surtout à rétablir des relations sereines entre les parents en privilégiant des ajournements ou des sursis avec mise à l'épreuve. Néanmoins, dans les cas les plus graves de parents ne présentant pas leur enfant et se soustrayant à l'action de la justice, il n'est pas rare que des peines d'emprisonnement soient prononcées. Ainsi, dans la moitié des cas, les tribunaux prononcent une peine d'emprisonnement, le plus souvent assortie d'un sursis, contre la personne prévenue. Par ailleurs, l'infraction de violences sur mineur de quinze ans par ascendant prévue aux articles 222-12 et 222-13 du code pénal peut s'appliquer à des violences psychologiques, dès lors que le comportement du parent a causé à l'enfant une atteinte à son intégrité psychique, caractérisée notamment par une perturbation psychologique. Ainsi, même en l'absence d'infraction spécifique réprimant l'aliénation parentale dans le code pénal, les comportements répréhensibles des parents cherchant à couper tout lien entre l'enfant et l'autre parent peuvent être pénalement sanctionnés. Si le droit pénal parait ainsi prendre suffisamment en compte cette situation, le maintien des liens entre les enfants et leurs deux parents en cas de séparation demeure une préoccupation majeure. Il est aujourd'hui nécessaire de réfléchir aux améliorations qui peuvent être apportées pour respecter les droits des deux parents, tant celui des mères que celui des pères pour aboutir à des solutions visant à faciliter la vie des familles et permettre aux enfants de conserver une relation équilibrée avec leurs deux parents, même en cas de séparation du couple. C'est dans cette perspective, qu'un groupe de travail sous l'autorité des ministères de la justice et de la famille a été mis en place afin de réfléchir au moyen d'assurer le respect de la coparentalité entre les parents séparés. Ce groupe de travail remettra un rapport au mois de novembre prochain et, à partir des propositions faites, un processus de consultation plus large sera engagé.