Budget 2015
QUESTIONS AU GOUVERNEMENT - MARDI 7 OCTOBRE 2014
Budget 2015
Question de M. Philippe Gosselin à M. Manuel Valls, Premier ministre
M. le président. La parole est à M. Philippe Gosselin, pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire.
M. Philippe Gosselin. Monsieur le Premier ministre, alors que la commission des finances va examiner cet après-midi la programmation des finances publiques pour les prochaines années, Bruxelles s’apprête à censurer le budget français pour 2015. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.) Le scénario d’un rejet de votre budget est hélas en cours d’écriture. Alors que la France est déjà sous surveillance pour non-respect de ses engagements budgétaires, une nouvelle sanction va tomber. Et quelle sanction ! Une véritable humiliation ! Après l’audition calamiteuse de Pierre Moscovici à Bruxelles, qui entache sa crédibilité, plus grave, c’est la crédibilité de notre pays qui est désormais en cause. Les déficits publics sont en hausse en 2014. Ils s’annoncent à peine mieux en 2015. Vous dites récuser tout matraquage fiscal ? En fait, vous continuez de faire les poches des Français : redevance télé, augmentation du diesel, prime à la naissance et j’en passe ! Les entreprises sont toujours touchées et vous n’oubliez pas, hélas, les classes moyennes et les familles.
Votre réduction du déficit budgétaire est un trompe-l’œil. En réalité, il n’y a pas de réduction des dépenses publiques. C’est un simple ralentissement de leur croissance. Cela ne suffira pas ! Même le Haut conseil des finances publiques en est d’accord. Vous vous abritez derrière l’excuse facile de la faible croissance économique, mais c’est justement parce que les réformes n’ont pas été faites que la croissance est faible. La France, à cause de votre gouvernement, est le nouveau malade de l’Europe. La France est dans le déni de ses engagements, pris par François Hollande lui-même auprès de l’Union européenne. Nous perdons tout crédit et cet isolement en Europe nous mène droit dans le mur. Monsieur le Premier ministre, il ne suffit plus de dire « Ich liebe dich » en Allemagne, comme vous l’avez fait la semaine dernière (Exclamations sur les bancs du groupe SRC), « I love you » au Royaume-Uni, comme vous l’avez fait hier, ou « Ti amo » ou « Te quiero » demain, pour séduire nos partenaires européens et recouvrer notre crédibilité ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.) Il faut des actes ! Quand allez-vous cesser de berner les Français ? Quand allez-vous enclencher réellement les réformes nécessaires à notre pays ? Enfin, qu’allez-vous répondre à Bruxelles et à nos partenaires ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
M. le président. La parole est à M. le Premier ministre.
M. Manuel Valls, Premier ministre. Monsieur le député, avec un peu de recul et d’expérience, il y a quelque chose que je me suis dit ces derniers temps, notamment en vous écoutant : je sais que je ne parlerai jamais ainsi de mon propre pays. Jamais ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC. – Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)
J’ajoute, tout en respectant parfaitement les propos des uns et des autres, ainsi que le rôle du Parlement européen, que contrairement à ce que vous avez dit, non seulement Pierre Moscovici a fait une belle intervention il y a une semaine (Exclamations et rires sur les bancs du groupe UMP), mais j’ai été particulièrement étonné que ce soit – parmi d’autres, il est vrai –, deux parlementaires français, certes de votre camp, monsieur Gosselin, qui aient été les premiers à s’en prendre à lui, non pas à cause de ses compétences, mais parce qu’il avait été ministre de l’économie et des finances dans le gouvernement de Jean-Marc Ayrault.
La France n’est pas « l’homme malade de l’Europe ». Je ne reprendrai pas ce terme, dont je rappelle d’ailleurs que certains l’appliquaient à l’Allemagne au début des années 2000. En tout état de cause, l’honnêteté nous oblige à dire que quand on a fait 600 milliards d’euros de dettes (Exclamations sur les bancs du groupe UMP), quand on n’a pas respecté les critères et quand on n’a rien fait pour soutenir la compétitivité de ce pays, on ne vient pas donner de leçons ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
Enfin, monsieur le député, il n’y a qu’un seul Parlement, et vous le rappelez pourtant souvent au nom même de votre propre engagement, qui ait à décider s’il approuve ou non le budget de la France. Le seul Parlement, la seule institution qui ait ce droit, c’est l’Assemblée nationale ! C’est le Parlement français !
M. Pascal Terrasse. Absolument !
M. Manuel Valls, Premier ministre. Ne l’oubliez jamais, monsieur le député. Je ne vois pas en quoi vous pouvez dire aujourd’hui, sauf à prêter une nouvelle fois quelque grâce à je ne sais quelle information, que le budget de la France sera rejeté. De toute façon, comme le ministre des finances l’a rappelé ce matin encore, la Commission européenne, si elle a tout à fait le droit de faire des remarques, ne peut pas rejeter un budget.
M. Claude Goasguen. Bien sûr ! Continuez !
M. Manuel Valls, Premier ministre. Nous considérons qu’avec les choix de vérité que nous avons faits sur le niveau de déficit, sur la dépense publique, avec les efforts que nous allons demander aux Français – 21 milliards d’euros en 2015 –, avec les choix que nous faisons pour les entreprises et pour la croissance, c’est le budget qu’il faut à la France. Plutôt que de critiquer la France, monsieur le député, plutôt que de vous saisir de je ne sais quelle thèse qui ne vient pas de notre pays, faites des propositions, des propositions crédibles ! (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.) Présentez-les devant les Français ! Quand on annonce 100 ou 150 milliards d’euros de réduction, de coupes sombres dans le budget, il faut dire aux Français ce que vous allez faire, monsieur Gosselin. Qui sera concerné ? (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.) Les professeurs ? La famille ? Les policiers ? Les gendarmes ? Les armées ? Je vous attends sur ce débat et non pas sur je ne sais quelles accusations ou je ne sais quelles rumeurs. Le budget de la France, c’est le budget qu’il faut pour notre pays. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et RRDP.)